Tous m’ont dit que j’y suis déjà allé, mais je n’en avais plus aucun souvenir. Je n’y retrouvais que quelques arbres épars laissés à eux-mêmes. Un d’entre eux était à l’horizontal. Je m’y suis assis. J’ai laissé l’écho des sons hostiles s’enfuir de ma tête. Mes yeux s’habituaient lentement à cette luminosité qui laissait une mystérieuse ambiance s’installer. Je glissais doucement les mains aux travers des feuilles pour enfin ressentir cette sensation de fraîcheur. La brume se levait et la lumière du matin trancha les colonnes de bois de ses milles lames brillantes, faisant saigner la forêt de tout son vert. Les fougères se déroulaient à mes pieds pour terminer leur étirement le long de mes jambes. Au début, c’était inconfortable mais plus je me concentrais sur les petits picotements, plus je redécouvrais les trésors de mon temple, de mon corps et ses sens. Je captais les énergies directement de la nature environnante. J’étais comme une plante. Mes poumons s’étaient inversés et prenaient de l’expansion. Je m’oxygénais de ces multiples ramifications fractales. Mes veines sillonnaient les arbres s’injectant des doses de sève au passage. Mon système nerveux se nervurait encore plus, jusqu’à en ressembler étrangement à des feuilles. Ma peau recouvrait le sol se désintégrant dans la matière organique. La vie me transperçait dans tous les sens. Ma chair devenant noire se confondant avec le humus et la pourriture chargée de vitalité. Lentement les souvenirs lointains faisaient surface. Ce n’était donc pas de mémoire d’homme fragmenté de cette hymne qu’il fallait se souvenir mais bien avec la mémoire de tout mon Être; celui qui est, fût et sera.
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© Texte et photo par Marc-André Huot.
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